Intégrer le commun

Intégrer le commun

Intégrer le commun

« Intensifier la ville », c’est intensifier les usages, mais c’est aussi intensifier le commun. Cette notion d’« espace en commun » poursuit alors différents axes de réflexion. D’une part, cela nécessite d’intégrer l’idée d’un « partage de l’espace » dans la conception urbaine et architecturale de l’habitat. D’autre part, il ne s’agit pas uniquement de réfléchir au commun au sein de l’humanité, mais aussi de penser la place du vivant et du non-humain.


Partager les interfaces 


« Habiter », c’est aussi habiter le monde, habiter sa ville, son quartier, etc. Ainsi le sens d’habiter ne se réduit pas à « se loger ». Ce n’est pas non plus le résultat d’une bonne politique du logement, d’un bon urbanisme. « Habiter » doit en être considéré comme la source, le fondement. Les mots d’Henri Lefebvre dans La révolution urbaine publiée en 1971, « l’être humain ne peut pas bâtir et demeurer sans quelque chose de plus ou de moins que lui même : sa relation avec le possible comme avec l’imaginaire », invitent à réfléchir sur les potentiels dans l’architecture. « C’est donner la possibilité d’habiter poétiquement ou d’inventer une poésie qu’il[s] [et elles] fabrique[nt] à [leur] manière ».

L’échelle du commun se retrouve dans les limites entre l’espace public et l’espace privé. Penser les transitions avec la ville, c’est réfléchir aux différentes manières d’entrer chez soi, de rythmer ce passage par des seuils successifs. Le bâtiment du Foyer Jeunes Travailleurs de Montrouge est ainsi conçu en séquences aux volumes contrastés. Les matériaux minéraux retenus pour les circulations évoquent des rues intérieures, prolongement de la ville à l’échelle du bâtiment. Ces dispositifs de ballades architecturales sont sources de glissement entre les sphères du commun, du voisinage et du domestique.


Si l’interface avec la ville est liée au traitement des façades (favoriser les commerces et les porosités à rez-de-chaussée pour animer la rue...), elle s’envisage aussi avec les cinquièmes façades, les toitures. Que faire de ces surfaces disponibles, souvent considérées comme des espaces de rejet, accueillant fluides et équipements techniques ? La proposition est d’occuper ces surfaces à ciel ouvert sur la ville, et d’en faire des lieux d’expérimentation de nouveaux possibles. Pour la Caserne de Reuilly, les potagers en toitures visent deux objectifs : redonner une place aux écosystèmes et intégrer un lien social en faisant découvrir des techniques d’agriculture urbaine.

De la valeur du sol et du vivant


Le mot « habitat », tout comme le mot « territoire », trouve son origine dans le vocabulaire de la botanique et de la zoologie. Il désigne vers 1808 le territoire occupé par une plante à l’état naturel, puis vers 1881 le « milieu » géographique adapté à la vie d’une espèce animale ou végétale, ce que nous désignons dorénavant par « niche écologique » et parfois « environnement ». Ces deux thématiques très actuelles sont d’autant plus importantes à mettre en avant lorsque l’on se projette dans un milieu très urbanisé comme celui de la région parisienne.


L’attention au vivant passe alors par une analyse critique de l’utilisation des sols. Ainsi, construire en ville, densifier, doit aussi être vu comme une opportunité de réorganiser les trames vertes et de favoriser les continuités écologiques. Il s’agit d’une réflexion et d’un processus à intégrer en amont de la conception, dans l’implantation des bâtiments sur la parcelle. Choisir de ne pas construire, démolir, désimperméabiliser, dépolluer, pour laisser respirer les sols est aussi le rôle de l’architecte. Cette démarche de désartificialisation des sols permet de comprendre leurs différentes strates en profondeurs et l’importance qu’elles ont pour l’écoulement des eaux de pluie et pour le développement du vivant.


La revalorisation des milieux naturels en zone urbaine questionne aussi la place donnée aux végétaux. Quels types de plante seront adaptés au contexte du site ainsi qu’aux conditions créées par l’architecture en terme d’ensoleillement, de zones d’ombres, d’orientation des vents, de température, d’eau... ? Pour le projet de la « la Caserne de Reuilly » le jardin d’ombre en cœur d’ilot a conduit à l’étude de différents types de mousses et leur intégration dans un milieu plutôt humide.

Share by: